Ferdinand de Caix, le dernier prieur d’Avernes 1735-1794

Ferdinand de Caix naquit le 6 septembre 1735, à Ainval (Somme), le quatrième de sept enfants. Il était fils de Félix de Caix et de Marie-Anne Lepage. Celle-ci mourut veuve, à Frémainville, le 21 juillet 1784. La famille paraît avoir été de bonne bourgeoisie : un de ses frères fut officier, un autre religieux. Ses livres de compte nous le révèlent comme un prêtre suffisamment à son aise.

Nous ignorons où il fit ses études. En tout cas, elles furent poussées très loin. Ses connaissances en théologie et en philosophie semblent fort étendues. Parmi ses papiers conservés aux Archives se trouvent plusieurs sermons, études et cours en latin.

En 1764, il était Chanoine régulier profès à l’Abbaye de Saulseuse (Eure). Peu après, en octobre 1766, il était nommé vicaire d’Avernes qui en dépendait. Son curé, François Violette, ne lui fit pas attendre la place trop longtemps ; il mourut, en effet, le 17 janvier 1768, et de Caix devint curé. Il devait le rester 25 ans. De toutes ses forces, il se donne à sa paroisse, tant sur le plan spirituel que temporel : il s’occupe de trois confréries, prêche, organise en détail les cérémonies, tient toute la comptabilité, fait réparer l’église. Toutes ces occupations ne l’empêchent pas de réfléchir à l’état moral et matériel du Clergé rural. Peu avant 1789, il consigne ses réflexions en un Mémoire de 17 pages, extrêmement agressif envers les Abbés et gros décimateurs qui absorbent les biens du Clergé et ne les font servir, dit-il, qu’à nourrir leur mollesse et à entretenir un faste insultant. Après avoir tracé un tableau poignant de la détresse matérielle des églises de campagne, où l’on ne voit que des tableaux déchirés, des linges rapetassés et des ornements pourris, il aborde la question, si grave, des dîmes. Il vitupère les inutiles du Clergé qui s’engraissent, dit-il, aux dépens des pauvres curés, et verrait avec ravissement l’excédent disponible des dîmes servir aux gages d’un chirurgien qui soignerait gratuitement les pauvres malades.

Il se plaint de ce que les dignités ecclésiastiques sont données à la naissance, et que les simples curés en soient exclus.

De Caix, enfin, réclame la restitution des dîmes aux curés, et le libre choix par eux du maître d’école.

Ce réquisitoire fut reproduit en partie, mais très atténué, dans le Cahier de doléances du Clergé, dont le rédacteur fut de Caix lui-même.

De Caix avait écrit très démocratiquement, au chapitre “Constitution des Etats Généraux”, “Qu’on recueille les suffrages par tête et non par ordre : les députés des différents ordres devant se regarder non comme des députés de leur ordre, mais comme ceux de la Nation entière”.

L’assemblée du Clergé du Bailliage eut lieu le 9 mars, à Mantes. Bien que rédacteur du Cahier, ce ne fut pas de Caix qui fut élu député, mais le curé de Flins.

De Caix revient à Avernes. Le 11 décembre 1790, il fit la déclaration des biens de la Cure. Il y spécifia qu’il exploitait lui-même 51 arpents de terre, 2 de bois et un d’osier qui lui rapportaient 905 livres. Sa dîme valait 9 754 livres. Tous frais déduits, son revenu était de 6 343 livres. Il vendait sa paille aux petites gens qui ont ainsi de la litière pour leurs vaches “qui leur épargnent le chauffage car le petit peuple pouvait se retirer dans leur étable pour profiter de la chaleur de leurs bestiaux”.

Profondément attaché au Pape, le curé d’Avernes ne se pressa pas de lire la première lettre pastorale du nouvel évêque Avoine (juin 1791), ce qui le fit déjà mal voir de la municipalité, et ce n’est que le 14 octobre 1792 qu’il prêta à la République un serment très vague et atténué.

Il continua ensuite son ministère sous le contrôle du Comité de surveillance de Pontoise.

Le 8 Nivôse An II fut déposée contre de Caix une dénonciation anonyme. Il y était dit janséniste, frère d’émigré, et de convictions tièdes. On l’accusait d’entretenir le fanatisme en recevant les habitants à sa messe, et en faisant faire la première communion à des jeunes filles. Il avait même, paraît-il, amené sa Municipalité “dindonnière” à faire du premier Décadi (10e jour du calendrier républicain) une fête religieuse.

Claude Vannier, l’Agent national du district, ayant demandé confirmation de ces commérages, ce fut Jean-Batiste Potiquet, maître d’école à Avernes, ancien chantre, ancien greffier de la commune, devenu, le 9 Pluviôse An II, vice-secrétaire du Comité Révolutionnaire de Pontoise, qui fut chargé de l’enquête.

Il attesta l’exactitude des faits contenus dans l’écrit anonyme. Il ajouta même que de Caix n’était pas “à la hauteur de la révolution”, qu’il cherchait à induire les citoyens en erreur et à les persuader que l’acte civil du mariage devait se renouveler par le ministère des prêtres.

Le curé d’Avernes fut arrêté le 20 Nivôse An II et conduit à Pontoise. Interrogé le 26 Pluviôse, il avoua qu’en effet il avait fait faire la première communion à des jeunes filles, sur la demande de leurs parents, et que conformément à la loi, dans ses sermons sur le mariage, il préconisait le mariage chrétien après le mariage civil. Il languit encore longtemps en prison. Mais le 20 Messidor An II, un arrêté de Crassous le fit transférer à Paris, à Port-Royal. Le 7 Thermidor suivant, brusquement englobé dans la Conspiration des prisons, il fut jugé et guillotiné le 8, en noble compagnie : il mourut le même jour que l’Evêque d’Agde, le duc de Clermont-Tonnerre, le marquis de Crussol d’Amboise, Madame de Monaco et de 22 autres condamnés, dont le plus âgé avait 81 ans, et la plus jeune, 21 ans.

D’après Henri Lemoine, archiviste départemental.

Pendant la période révolutionnaire le culte de la déesse Raison fut établi dans l’église d’Avernes, d’où l’inscription Liberté-Égalité-Fraternité gravée sur le porche. Une jeune enfant, fort jolie, paraît-il, fut choisie à cet effet, Marianne Potiquet, née en 1783 et décédée munie des sacrements de l’église en février 1870…

L’abbé Imbert, vicaire d’Avernes de 1790 à 1793 fut nommé prêtre constitutionnel pendant cette période. D’après les actes de baptême, les Avernois s’adressaient de préférence à l’abbé Bertaux curé de Wy-dit-joli-village ou à M. Biache, curé de Théméricourt. En 1802, après le Concordat en attendant l’arrivée du premier curé résidant, M. l’abbé Ménard, curé de Frémainville vient desservir la paroisse jusqu’au 20 novembre, jour où M. l’abbé Prépaud prend possession de la cure.

A partir de cette date le culte catholique est rétabli dans l’église d’Avernes.

NDLR
Si vous visitez la Conciergerie à Paris, un des plus beaux monuments anciens de notre capitale qui nous replonge dans l’histoire de la Révolution, vous trouvez dans une salle la liste de tous ceux qui ont été guillotinés sous la Terreur. Et on y voit le nom de De Caix, ci-devant curé.

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