La libération d’Avernes

Plus de 60 ans se sont écoulés depuis ces événements et beaucoup de ceux qui en furent les témoins ou les acteurs nous ont quittés. Heureusement les témoignages qu’ils ont donnés et ceux des survivants nous permettent de connaître cette page d’histoire.

Arrivées à Mantes le samedi 19 août 1944 les troupes américaines s’installent sur la rive gauche de la Seine : deux régiments US, les 313e et 314e régiments d’infanterie, passent la Seine avec quelques blindés et une artillerie réduite. Après une bataille sur la rive droite à Limay ils installent une tête de pont et lancent des patrouilles qui ne rencontrent pas de résistance. Les soldats de la Wehrmacht s’enfuient. La patrouille la plus avancée arrivera à Arthies.

Immédiatement la nouvelle se répand dans tous les villages environnants. Les américains sont là, la population se croit libérée.

D’autre part, pour permettre le retrait de leurs troupes de Normandie l’État Major allemand décide une contre offensive. Avertis de leur arrivée prochaine, les Américains se replient.

Le mardi 22 août la 1eSS Panzerkorps renforcée par la 6e unité parachutiste et le reste de deux divisions de la Wehrmacht contre-attaquent et contiennent la poussée américaine sur un front qui passe par Brueil-en-Vexin, Sailly, Drocourt. La bataille durera plusieurs jours, une bataille de chars et d’artillerie. Un exemple du déluge de feu : nous savons par les rapports de l’armée américaine que dans la nuit du vendredi 25 il sera tiré par l’artillerie 4600 obus de 105 mm et 1048 obus de 155 mm.

La 1eSS Panzerkorps est équipée du nouveau char Koenigstiger (le tigre royal). C’est un char lourd de 68 tonnes. Son blindage le rend pratiquement invulnérable au tir de l’artillerie. Son point faible est sa consommation excessive en carburant.

Des éclats de voix en langue allemand réveillent les habitants des maisons de la cavée… Ils sont revenus ! Tout le long du talus de la voie ferrée une unité de parachutistes se repose avant de faire mouvement vers les bois de Galluis.

Avernes est la base arrière de ravitaillement des blindés allemands. À la ferme de Chantereine est installé un dépôt d’essence et de munitions pour ravitailler ; les chars restent au bout du chemin au coin de la rue du Clos Prigent et de la départementale. C’est une main d’œuvre avernoise qui est chargée du travail. Les hommes ont été réquisitionnés sans qu’ils n’aient à donner leur avis, les soldats sont passés dans les maisons, les ont fait sortie des caves et les ont emmenés. Il s’agit de rouler les fûts de 200 litres d’essence pour faire le plein des chars et de les approvisionner en obus de 88 mm.

Le lundi 28 août les Allemands reculent sous un déluge d’obus. Le front progresse vers Avernes qui se trouve maintenant dans la zone de tir. Les habitants ne quittent plus les caves où ils ont trouvé refuge.

Voici ce que racontait monsieur Roger Delacourt…
Nous nous étions réunis avec la famille Petit dans la cave du 7, rue de Gadancourt car celle-ci est plus profonde que celle du 9. Nous avions amené de la nourriture et de la boisson, des poutres pour étayer, une pioche et une barre à mine pour se désobstruer en cas d’éboulement. On entendait les explosions des obus sur le Saugé et la Jolivette.

Dans les prés dominant le cimetière, les vaches en pâture seront décimées par les obus fusants (ce sont des obus à fragmentation qui explosent en altitude et dispensent en pluie leurs éclats).

Le mardi 29 août, les premiers soldats américains atteignent Gadancourt. A l’entrée du village ils sont pris sous le feu d’une mitrailleuse. Un soldat est tué. Les américains font intervenir l’artillerie. L’église, le château et de nombreuses maisons sont endommagés. Le soir venu les troupes américaines s’installent dans le bois des Allées. Les éléments les plus avancés sont arrivés à Avernes et se sont installés dans la cavée. Ils attendront le matin et l’arrivée des forces venant de Frémainville pour investir le village.

Décrochant de Frémainville où une bataille importante a eu lieu (au niveau de la distillerie et du cimetière) les Allemands se retranchent dans la carrière de la rue Valette, au lieu dit “le four à chaux” et au “bois arraché”. Dans ce même bois en juin 1940 une unité de l’armée française se retranche sur la lisière nord, met en batterie un canon de 37 mm antichar pour tenter de stopper l’avancée des blindés allemands. Repérée par ceux-ci elle est anéantie : il y aura 5 morts. Quatre ans après, c’est sur la lisière sud que les allemands se retranchent. Durant leur repli il y aura deux morts : un officier au lieu dit “les Gatz” et un soldat. Les jambes coupées par un obus, il agonisera dans le fossé en face de la route d’Enfer.

Le mercredi 30 août, c’est sous une pluie battante que se déroulent les combats. Au 76, Grande rue plusieurs familles sont réfugiées dans la cave. Soudain, descendant l’escalier, surgit un SS trempé et épuisé, menaçant de son pistolet les hommes de l’assemblée. Puis il s’assoit, le pistolet toujours à la main et, après un temps paraissant interminable, déclare dans un français impeccable : “Dans une demie heure tout sera fini pour vous”. Il rengaine son pistolet, se lève et remonte l’escalier. Parvenu à l’extérieur il retire son poignard d’apparat SS, le jette dans les buissons et s’en va vers son destin…

Un soldat américain est tué d’une balle dans la tête devant la petite porte de l’orphelinat rue Valette, alors qu’il voulait prendre à revers les Allemands installés dans les carrières. Sept soldats allemands périront. Ils seront enterrés dans l’angle gauche du cimetière. Les corps seront relevés par les autorités allemandes plusieurs années après.

Avernes est libre. La bataille, poursuivie le même jour sur les communes de Vigny et du Perchay sera le dernier engagement important en Vexin.

Ce jour, le 30 août, les forces alliées (au sein desquelles participent des éléments de la 2e DB), venant de Paris, passant par Persan-Beaumont, libèrent Beauvais. Le 31, la Somme est atteinte, ses ponts sont intacts. Deux jours après, le 2 septembre, Dieppe est libérée par les Canadiens. C’est cette situation stratégique qui explique la retraite des troupes allemandes tentant d’échapper à l’encerclement.

Dans leur repli, un très important matériel est abandonné. Au lieu dit “Les Groues” un char Tigre sera sabordé et abandonné. Plusieurs années après des ferrailleurs le découperont pour l’emporter.

Les prisonniers sont regroupés sur la place du marché. Le lendemain un soldat allemand couvert de boue est retrouvé dans le trou où il s’est enterré pour se protéger. Il se rend à la population pour rejoindre ses camarades.

La population avernoise est sortie indemne des combats. Une tragédie arrivera plus tard. Partout sur le territoire de la commune gisent des obus et du matériel militaire abandonnés. Celui-ci est ramassé et regroupé près de la gare d’Avernes. Le malheur a voulu que cinq enfants soient entrés dans le dépôt et aient essayé de démonter un obus, le faisant exploser. Ils seront blessés et une petite fille, Rolande Griez, grièvement atteinte décédera le soir même.

Les destructions furent heureusement modérées. Le clocher de l’église fut endommagé, les Allemands l’ayant transformé en poste d’observation et de tir. Une maison située Grande rue, près de la poste, fut touchée par un obus. C’est certainement le très mauvais temps qui explique ce fait, celui-ci empêchant l’aviation d’intervenir.

Merci à Madame Denise CAILLIÉ et Monsieur Alfred BARTHÉLÉMY pour leurs témoignages.

L’auteur
Pierre SIMON
6 avenue de Campagnan
34230 PAULHAN
Tel 04 67 25 23 47
Courriel : pierre.simon0315@orange.fr
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